Soixante-sept, année Celtic

arton-2

Le 25 mai 1967, un vent de folie s’empare de la Coupe d’Europe de foot. Le Celtic Glasgow est le premier club britannique à accéder en finale de l’épreuve reine des clubs, longtemps dominée par les clubs du Sud. Les hommes de Jock Stein ne ratent pas l’aubaine et s’imposent face au catenaccio de l’Inter Milan. Depuis sa création, la Coupe d’Europe de Football (la vraie, la C1, celle des Champions) est dominée par les clubs latins. Après le règne initial du Real Madrid, qui fit main basse sur les cinq premières éditions, les finales ont été remportées par Benfica, Milan AC et l’Inter, et leurs opposants se nommaient le Stade de Reims, la Fiorentina et le Partizan Belgrade. Seul l’Entracht de Francfort, parmi les clubs du Nord, parvint à se hisser en finale, pour y prendre un 7-3 d’anthologie face au Real. Les clubs britanniques, s’ils n’ont pas encore accédé à la finale, n’en sont pas moins actifs. Manchester United, notamment, rivalisait déjà avec le Real Madrid avant que le destin ne s’en mêle, un triste après-midi sur l’aéroport enneigé de Munich. Tottenham et Liverpool sont également parvenus jusqu’en demi-finale, de même que Hibernian, les Glasgow Rangers et Dundee United. Le Celtic, en 1967, est la première équipe de Grande Bretagne à accéder au match ultime, un exploit d’autant plus remarquable qu’il participe pour la première fois à l’épreuve [1]. Les Bhoys de Jock Stein dévastent à peu près tout sur leur passage : Le FC Zurich, le FC Nantes, Vojvodina Novi Sad et le Dukla Prague ne peuvent s’opposer à la marche des Celts. La finale se déroule au stade de la Luz à Lisbonne le 25 mai 1967. Le Celtic est loin d’être favori. Face à lui se dresse l’Inter Milan, une machine à gagner réglée par Helenio Herrera et basée sur une tactique aussi novatrice que décriée, le catenaccio. Défense renforcée et contre-attaques rapides, c’est la recette qui a permis aux nerazzuris d’empocher deux fois déjà (1964, 1965) la Coupe des Champions. Le Celtic a pourtant les faveurs d’une grande partie de l’Europe, lassée par la froideur mécanique de l’Inter. Nombreux sont ceux qui souhaitent la défaite des "vilains" Italiens face aux "gentils" Ecossais. On ne résiste pas au plaisir d’énoncer la composition de l’équipe écossaise, tous les joueurs étant nés à moins de 50 miles de Glasgow : Simpson - Graig, McNeil, Gemmel - Murdoch, Clarke - Johnstone, Wallace, Chalmers, Auld, Lennox. Cette équipe, à qui Jock Stein a donné une préparation moderne basée sur l’étude minutieuse de l’adversaire, se donne un supplément d’âme. La veille des grandes rencontres européennes, les joueurs se retrouvent lors de longues balades dans la nature, et passent même une partie de la nuit précédant cette finale à errer, perdus, dans la campagne avoisinante. Aucun des Lions de Lisbonne n’a jamais confié ce qu’ils se disaient dans ces moments-là. Comme Jimmy Johnstone le rappela bien des années plus tard, le contraste entre cette bande dépareillée et les top models italiens est saisissant : "Nous devions avoir l’air d’être sortis du cirque". L’étonnement des joueurs de l’Inter devait être à son comble lorsque la clique de Glasgow entonne dans le vestiaire la fameuse Celtic Song. Mais d’entrée, les favoris transalpins prennent le match à leur compte. Huit minutes après le coup d’envoi, l’avant-centre italien Capellini entre dans la surface de Simpson et s’écroule emphatiquement sous la charge de Craig. L’arbitre allemand Mr Tschenscher offre le pénalty aux Milanais, que Sandro Mazzola transforme sans état d’âme. On redoute alors d’assister à une finale ennuyeuse. Rien n’est plus difficile à bouger qu’un Inter menant au score. Les hommes de Helenio Herrera se regroupent alors en défense et contiennent les assauts du Celtic. Mais contrairement à ce que l’on attendait, l’Inter n’est pas aussi sûr qu’à son habitude. Le mètre cinquante-deux de Jimmy Johnstone, petit ailier rouquin rapide et teigneux, gène considérablement le mètre quatre-vingt-six de Giacinto Facchetti, élégant défenseur de l’Inter. Les Nerrazzuris cèdent souvent à la panique, dégagent en tribune, se plaignent auprès de l’arbitre. A la mi-temps, on se dit que le Celtic a probablement un coup à jouer, d’autant qu’il a pris confiance. A l’heure de jeu, ce que les détracteurs de l’Inter espéraient arrive enfin. Tommy Gemmel, le défenseur monté aux avant-postes, déclenche de vingt mètres une lourde frappe qui fait mouche. La partie a définitivement basculé du coté écossais, mais la conclusion se fait attendre. A cinq minutes de la fin, les joueurs du Celtic roulent la défense milanaise dans la farine en développant une action collective d’école, qui se conclut par un tir victorieux de Chalmers, reprenant une frappe du même Gemmel. La Coupe des Clubs champions appartient désormais au Celtic. Bill Shankly, invité prestigieux à Lisbonne, se surpasse en déclarant à Stein : "John, tu es immortel", tandis que le mot de la fin revient à Herrera, beau joueur : "Nous avons perdu, mais ce match fut une victoire pour le sport." Autres temps, autres mœurs, les milliers de supporteurs du Celtic venus par tous les moyens jusqu’à Lisbonne envahissent le terrain, arborant le drapeau tricolore irlandais. Cette victoire s’inscrit comme l’apothéose d’une formidable saison pour le Celtic, qui a fait preuve d’une boulimie exceptionelle. En championnat, il remporte son deuxième titre consécutif avec un impressionnant tableau de marche : 58 points sur 68 possibles, 111 buts inscrits [2], et le titre de meilleur buteur pour Chalmers avec 21 buts. Les Verts et Blancs ont également remporté la Coupe d’Ecosse contre Aberdeen (2-0, deux buts de Wallace) dans un Hampden Park garni de cent trente mille spectateurs, sans oublier au passage, la Coupe de la League chipée au nez et à la barbe des Rangers (1-0, but de Bobby Lennox) et la Glasgow Cup. Pour compléter le tableau, on peut ajouter que quatre joueurs du Celtic furent de l’équipe d’Ecosse qui infligea début avril à Wembley une défaite 2-3 à l’Angleterre championne du monde. Parmi ces quatre Bhoys, le gardien Ronnie Simpson, ancien gardien de Newcastle, qui aura connu à trente-six ans sa première sélection et remporté sa première Coupe d’Europe. P.-S. [1] Le Celtic a participé à la Coupe des Coupes en 1964 et en 1966, tombant à chaque fois en demi-finale. Il a également participé à la Fairs Cup (ex-Coupe UEFA) en 1963 (éliminé au premier tour) et en 1965 (seizièmes de finale). [2] C’est toutefois loin du record d’Heart Of Midlothian en 1958 avec 132 réalisations.
Le jour de honte du celtic
Victoire contre Manchester United, le 21 novembre 2006

Plan du site