John Hartson

La récente retraite d’Hartson est un drame. Pas tant pour lui que pour le football, et le football britannique en particulier. Gros, roux, puis chauve, John Hartson était l’archétype du joueur britannique que les latins adorent détester. Et pourtant… Pointe de fixation hors pair et joli petit palmarès hors stade, John Hartson était de ses footballeurs précieux qui savaient jouer des coudes. Et pas seulement sur le terrain… - Par Marc Hervez, à Swansea pour So Foot. John Hartson est content. Depuis qu’il est rangé des vestiaires, on ne peut pas dire que la presse étrangère se soit manifestée plus que ça. Alors quand il accueille un Français dans son propre pub de Swansea, c’est forcément du all inclusive. Des heures et des heures à picoler, à se remémorer les moments les plus cons d’une carrière qui n’en manque pas –comme cette fois où il avait habillé son chien en costard-cravate Burburry, « c’était pour Noël, j’ai voulu lui payer son costume trois pièces pour me marrer. Bon, ça m’a coûté 500 livres, mais c’était du sur mesure… »–, à taper des billards avec des sosies de Francis Begbie, pour finir par s’écrouler sur la table et finir l’interview en roue libre (c’est-à-dire endormi, avec le magnéto qui enregistre les conversations entre John et ses potes gallois).

Hamburgers et sandwichs à l’échalotte

Aujourd’hui, John Hartson s’occupe en commentant de temps à autres des matchs de Scottish League pour la chaîne TV Setenta et joue tous les lundis soir au billard en s’enfilant des sandwichs beurre-échalotte avec ses potes. Cela ne fait pas trois mois qu’il a décidé de raccrocher les crampons que John Hartson a déjà pris une bonne dizaine de kilos. C’était prévisible. Déjà, sous le maillot du Celtic, on pouvait prédire à l’avant-centre gallois un avenir en XXL. « Mon poids, c’est un problème contre lequel je me suis battu durant toute ma carrière ». Le Sun a classé Big John au dixième rang des plus gros joueurs de l’histoire du football. L’histoire, justement, il en fait officiellement partie depuis le 7 février dernier, date à laquelle il décida de mettre un terme à sa carrière professionnelle, en plein milieu d’une saison pourtant pas trop mal entamée. Motif ? Les exigences du football moderne ne collaient pas tout à fait avec son régime alimentaire. « J’en avais marre de devoir doubler les séances lorsque j’avais mangé un hamburger, explique-t-il. Et puis j’avais perdu ma place de titulaire à West Bromwich Albion en même temps que ma combativité. Je n’avais plus l’envie, tout simplement. J’adorais sentir la pression avant les matchs, c’est clair, mais les entraînements, bon bah… je ne vais pas les regretter quoi ». John Hartson n’a jamais aimé s’entraîner. « Le vélo, la muscu et la gym, il ne voulait pas en faire, et il trouvait toujours un compromis pour esquiver. Sa tactique, c’était de se mettre le kiné dans la poche pour faire ce dont il avait envie. Les petits jeux, pareil, tu lui donnais la balle, il ne faisait pas l’effort », se remémore Didier Agathe, son ancien coéquipier au Celtic. Pourtant, pendant seize ans que le Gallois aura littéralement terrorisé les défenseurs adverses. Car Hartson, c’était avant tout une certaine conception de l’engagement physique. « J’adorais détester mon adversaire direct. Lui rentrer dedans pendant une heure et demie, aller au contact, me battre sur tous les ballons. Mais maintenant, le jeu a changé. Avant, vous pouviez jouer des coudes et mettre des coups en douce. Mais maintenant, pfff... vous risquez sans cesse l’expulsion. Il faut être ultra discipliné. Tout réfléchi, je crois que j’ai décidé d’arrêter au bon moment. »

L’histoire dite du mouton

Gamin, John Hartson était loin d’être la brute épaisse qui cogne tout le monde à la récré. « J’étais petit et fluet. C’est d’ailleurs ce qui m’a incité à choisir le foot au détriment du rugby. Et puis à treize ans, je me suis mis à la boxe, et, étant moins costaud que les autres enfants de mon âge, j’ai dû compenser par une plus grande combativité. C’est de là que me vient mon fameux fighting spirit », confie-t-il. L’idole du jeune rouquin s’appelle alors Ian Rush : « Il avait tout pour être mon héros : il jouait pour Liverpool, marquait des buts et était Gallois ». Puis vint l’heure de la première pinte -« vers quatorze ans »-, indéboulonnable alliée des joueurs britanniques des nineties. « Oui, c’est vrai, j’aime bien boire quelques coups avec des amis. En France, les joueurs fument, et vous ne leur dîtes rien. Bon ben moi, c’est la bière », se justifie celui qui, à peine sa carrière terminée, s’est empressé d’acheter un pub dans sa ville natale de Swansea. L’hygiène du sportif de haut niveau, la diététique et tout le tralala, John n’en a jamais eu grand-chose à foutre. « Un soir, quand je débutais à Lutton, deux potes sont venus directement de Swansea pour me rendre une visite. On était bourrés. On avait un van et, sur le chemin du retour, on s’est arrêté dans un champ pour pisser. Et là, il y avait un mouton. Alors on a embarqué l’animal à l’arrière du van et on l’a ramené chez moi. Le lendemain, j’avais complètement oublié le mouton. Il était dehors et avait ravagé mon jardin. » Le genre d’histoires qui n’existent que dans les meilleures biographies des meilleurs joueurs britanniques (de Best à Gazza). Et pourtant, John ne plaisantait pas avec la gagne sur le terrain. Par exemple, il jure mordicus n’être jamais sorti les veilles de match. « C’est vrai, John sortait pas mal, mais honnêtement je n’ai pas vu beaucoup d’avants-centres comme lui, techniquement parlant. Lorsqu’il avait le ballon, personne ne le lui enlevait. Par rapport à sa corpulence, il était techniquement hors normes », relate Agathe.

Une baston à l’entraînement

A dix-neuf ans, Hartson décide de quitter Luton pour un club au standing nettement supérieur, Arsenal. Il est alors l’adolescent le plus cher de l’histoire du foot britannique. Il y connaîtra trois entraîneurs en deux ans, et marquera en finale de coupe des coupes. Une finale, perdue évidemment, contre Saragosse. Fraîchement arrivé, Arsène Wenger décide de mettre la main sur Bergkamp. L’Alsacien prévoit alors une alternance régulière entre le Gallois et Ian Wright pour accompagner le Hollandais. Mais à 20 ans, Hartson veut avant tout glaner ses galons de titulaire en équipe nationale, d’autant qu’une place est laissée vacante depuis le départ de Mark Hugues. Pour cela, il ne peut se permettre d’être titulaire un match sur deux et décide de partir pour West Ham. Si le buteur soigne ses stats chez les Claret and Blue, l’histoire finira mal. « J’ai marqué beaucoup de buts pour les Hammers, et la seule chose qu’ils ont trouvé à faire, ça a été de me revendre contre mon gré, tout ça parce que Wimbledon leur proposait le double de ce qu’ils avaient raqué pour m’acheter, lâche-t-il, la rancœur au bord des lèvres –donc de la mousse. Ils se sont fait du fric sur mon dos et le lendemain de mon départ, ils faisaient signer Scott Minto, Di Canio et Marc Vivien Foé. Quel manque de reconnaissance, putain ! Le foot, c’est vraiment un milieu où les gens cherchent à se baiser les uns les autres. » En vérité, John l’a un peu cherché. Un matin de 98, il n’avait rien trouvé de mieux à faire que de défigurer son coéquipier Eyal Berkovic en pleine séance d’entraînement. Le tout, bien sûr, devant les caméras de la Sky. « Ce n’est pas quelque chose dont je suis très fier. On s’est accrochés. Alors qu’il était à terre, je lui ai donné un coup de pied au visage, et là il s’est levé et m’a giflé. Je lui ai donc envoyé mon poing sur la figure. Et puis comme il saignait, j’ai décidé de m’excuser. » Big Bad John prendra une grosse amende et trois matchs de suspension. Mais surtout, il gagnera ses galons de bad boy du foot pour l’éternité, même si tous les (autres) joueurs qui l’ont côtoyé louent sa gentillesse et sa simplicité hors du terrain. Une réputation qu’il traînera ensuite à Wimbledon, à Coventry et surtout au Celtic Glasgow, où il jouera le meilleur football de sa carrière sous les ordres de Martin O’Neill.

Recalé quatre fois lors de la visite médicale

L’entraîneur nord irlandais savait qu’il tenait là un bon bourrin, mais pas que. Hartson se souvient : « O’Neill m’a dit : ‘Je ne veux pas que tu ailles sur les ailes. Reste dans cette putain de surface. Je vais leur dire de te balancer des ballons dans la boîte, et tu marqueras des buts ». « John c’était vraiment le genre de target man sur lequel on pouvait jouer des longs ballons. Il avait un jeu de tête extraordinaire. Tu mettais un ballon dans la surface, avec lui, c’était but une fois sur deux », s’enflamme Didier Agathe. Mustapha Hadji, qui le croisa brièvement à Coventry, se souvient, lui, d’un joueur « techniquement limité mais qui, au Celtic, était transformé. C’était devenu un monstre ». Avec Larsson et Chris Sutton, le natif de Swansea était le troisième larron d’une attaque qui a redonné ses lettres de noblesse au Celtic Glasgow, après une décennie de domination du voisin protestant, qu’il aurait d’ailleurs pu rejoindre un an plus tôt s’il n’y avait eu ce genou récalcitrant. Une spécialité pour le Gallois qui aura réussi l’exploit de foirer pas moins de quatre visites médicales au long de sa carrière. Grâce à son but exceptionnel à Anfield en quarts de finale, Hartson sera à jamais associé à la formidable épopée du Celtic en coupe UEFA 2002-2003, où les Bhoys seront battus en finale par le Porto de Mourinho (3-2 a-p). Blessé au dos, Hartson n’avait d’ailleurs pas pu jouer la finale, disputée à Séville, son plus grand regret. « Est-ce que le résultat aurait été différent ? Franchement, je ne pense pas. Vous m’avez déjà vu sous la chaleur ? Je deviens tout rose dès la première accélération. Non, moi, c’est le froid, la pluie, et rien d’autre. C’est d’ailleurs pour cela que je ne suis jamais parti à l’étranger », confesse t-il. Hartson enfilait également les buts avec l’équipe nationale. Avec les Giggs, Bellamy et Gary Speed, il fut même tout près de disputer l’Euro portugais. « On a été battu en barrage par la Russie. Pourtant à cette époque, on prenait tout le monde au Millenium. On avait baisé l’Italie en poules, puis L’Allemagne, L’Argentine et la République Tchèque en amical. »

« On ne se bat jamais pour se marrer »

Puis vint l’heure du déclin, qui, faut pas se la raconter, arrive quand même plus vite chez les joueurs un peu gras que chez les autres. Fraîchement divorcé, addict au jeu, Hartson ne va pas bien et perd sa place de titulaire sous les ordres de Strachan, arrivé chez les Hoops en 2005. S’en suivent alors quelques allers retours dans entre WBA et Norwich City, sans succès. Même dans les divisions inférieures, le buteur peine à s’imposer. Le crépuscule de la carrière de John arrive bien plus vite que prévu. La vérité : Hartson n’avait plus trop sa place dans le football d’aujourd’hui. « Les joueurs sont devenus des robots. Tout le monde est rapide, musclé et endurant. Mais il n’y a presque plus de joueurs de caractère. Si les gens aiment voir jouer Rooney, c’est parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils vont voir. Va-t-il frapper quelqu’un, se faire expulser ou marquer un but exceptionnel ? Bon ben moi, c’était pareil. » Le 7 février 2008, John Hartson s’en est allé, et une certaine idée du foot britannique avec lui. La lignée des Gascoigne, Paul Merson ou Vinnie Jones. Une légende raconte même qu’il se serait battu avec l’acteur de Snatch et Arnaques, Crimes et Botanique, accessoirement le parrain de sa fille, comme ça, pour la déconne. « En fait c’est faux, glisse t-il vers deux heures du mat’, en s’enfilant sa huitième et dernière pinte –avant de passer au Whisky Coca. La police a mal rapporté les faits. Il y a effectivement eu une bagarre, il y avait effectivement Vinnie, mais il y avait surtout une troisième personne, qui nous avait insultés. On ne se bat jamais pour se marrer. » Sur le terrain comme en dehors, John Hartson se battait avant tout pour gagner. - Tous propos recueilis par Marc Hervez.
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R.I.P. Phil O’Donnell

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