Celtic FC- Rapid Vienne : Une animosité inattendue !

Il existe des rivalités que l’on ne présente plus : les derbys viscéraux, comme Celtic-Rangers, ou les rivalités nationales historiques comme Inter-Juventus. D’autres sont plus surprenantes et naissent entre deux clubs de pays différents, par exemple un soir de coupe d’Europe. Les joueurs ayant une fâcheuse tendance à en rajouter sont généralement mal perçus en Grande-Bretagne à l’exception bien évidemment du club pour lesquels ils jouent, comme Luis Suarez. Le club du Rapid Vienne n’échappe pas à la règle, pris en grippe un soir de novembre 84 par les supporters du Celtic n’appréciant que modérément la tournure des événements. 1984, nous ne parlons pas ici de la fiction de George Orwell mais de football, même si le récit pourrait relever du fantastique. Défait 3-1 lors du match aller au stade Gerhard Hanappi de Vienne, la tâche s’annonce ardue pour le Celtic afin de parvenir à rallier les quarts de la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupes. Tous les ingrédients sont néanmoins réunis pour une folle soirée de coupe d’Europe. Tout d’abord, il s’agit là du bon vieux système de matchs à élimination directe, plein d’émotions et de retournements de situation, loin de la fadeur des poules interminables que l’on voit de nos jours, servant à engraisser entre autres les télés. Ensuite, le Celtic a une équipe compétitive et peut rêver à n’importe quel exploit, appuyé par son formidable public, qui lors de la saison précédente a déjà renversé un écart similaire de deux buts en étrillant le Sporting CP 5-0 au retour à Parkhead. En face, le Rapid Vienne du plus célèbre des tireurs de penalties, Antonin Panenka (qui n’a pas disputé le match), s’annonce comme une opposition rugueuse, l’ayant prouvé contre Dundee United la saison précédente dans une rencontre quelque peu physique.

Patate de forain et middle-kick

McClair ouvre le score à la 32ème minute à la suite d’un centre de Provan, lui-même magnifiquement bien servi par un Paul McStay des grands soirs. Puis peu avant la pause, c’est MacLeod qui inscrit le second but, d’une demi-volée du gauche allant se nicher dans le petit filet opposé, suite à un mauvais renvoi de la défense autrichienne. Le Celtic est à ce moment-là qualifié au bénéfice du but à l’extérieur et ne sera plus inquiété jusqu’à la fin du match. A la 68ème minute, McGarvey lance Burns au but. Ehn, le gardien du Rapid, est le premier sur le ballon, mais au prix d’un tacle à faire pâlir les arbitres de L1, le rouquin réussi à marquer, Ehn n’ayant pas complètement capté le ballon. Le but est accordé malgré les protestations véhémentes des joueurs viennois, et la tension monte à partir de ce fait de jeu. Complètement à la dérive, les autrichiens se réfugient derrière la violence tout d’abord, puis le vice. Le défenseur du Rapid Vienne Kienast écopera tout d’abord d’un carton rouge pour avoir couru puis frappé Tommy Burns par derrière. Puis c’est au tour d’Ehn de se faire remarquer sur une sortie, sûrement toujours amer du troisième but concédé, en collant un middle-kick très réussi dans l’abdomen du décidément très apprécié Burns, tout en s’emparant du ballon. Ce qui aurait dû être une décision évidente sombre dans le grotesque. L’arbitre suédois monsieur Johansson demande l’avis de ses juges de touche, pendant que les observateurs de l’UEFA tentent de retenir les joueurs autrichiens de rentrer au vestiaire en parlementant avec leur capitaine. C’est là que tout bascule. Un supporter du Celtic, passablement énervé, jette une bouteille sur la pelouse. Un certain Weinhofer en profite alors pour se distinguer, se roulant par terre, meurtri de douleur. La télé prouvera que le projectile n’a aucunement ne serait-ce qu’effleuré le joueur, ne l’empêchant pourtant pas de revenir avec un bandage comme si il avait été heurté. Eddie McGarrell, premier secours pour la Croix-Rouge ce soir-là, aide Weinhofer lorsqu’il s’écroule, et témoigne par la suite : « Je n’ai vu aucun saignement, coup ou quelconque type de blessure, et il était totalement conscient ». Le Celtic manque un penalty et le match se termine sous tension. Les écossais sont qualifiés pour les quarts, bien que condamnés à £4000 d’amende pour la bouteille jetée. Le Rapid, lui, se verra infliger une amende de £5000 pour la beigne de Kienast. Fin de l’histoire, du moins le croit-on, car le Rapid, qui n’est plus à ça près, fait appel de la décision. Le verdict est plutôt étonnant : une amende doublée pour les autrichiens et le match à rejouer, et ce à plus ou moins 100 miles de Celtic Park ! Le match « d’appui » se joue le 12 décembre 1984 à Old Trafford, Man Utd jouant à Dundee Utd (encore eux) le même jour et acceptant de prêter son enceinte pour l’occasion. 40 000 bhoys font le déplacement jusqu’à Manchester afin de soutenir une fois de plus leur équipe. L’atmosphère est loin d’être cordiale, les dirigeants du Celtic refusant de saluer leurs homologues du Rapid. Les joueurs autrichiens, eux, entreront sur la pelouse affublés d’un pathétique maillot rouge, afin de tenter de s’attirer la sympathie des potentiels mancuniens présents au stade.
Le Rapid s’imposera 1-0 et pour les écossais, les tricheurs ont donc gagné. Deux joueurs viennois seront attaqués sur la pelouse, condamnant le Celtic à jouer son prochain match de coupe d’Europe à huis clos, histoire de fignoler le tableau. Les autrichiens atteindront la finale cette saison, mais seront battus par Everton 3-1 à Rotterdam, les fans des Toffees ne manquant pas de rappeler par le biais de banderoles que le Celtic aurait dû être là à leur place.

« 1984-2009 : Nous détestons toujours le Rapid »

C’est toute une génération de supporters du Celtic qui a conservé une rancœur tenace à la suite de cet évènement. Et lorsque le Rapid, 25 ans après, revint à Parkhead pour une rencontre de coupe de l’UEFA, les médias appelèrent au calme. Il n’y eut pas d’incident notoire, mais les joueurs du Rapid Vienne furent copieusement sifflés durant la rencontre, par un public pas forcément coutumier du fait, à certaines exceptions près. Le bloc 111 de la Green Brigade montra également qu’il n’avait pas la mémoire courte et sortira des banderoles avec entre autres écrit « unforgiven » (non-pardonnés), ainsi que le blason du club autrichien avec le mot « Rapid » remplacé par « liars » (menteurs), ou encore « 1984-2009 : Nous détestons toujours le Rapid ». En effet, même si beaucoup d’entre eux n’étaient pas nés ou n’étaient encore que des bambins en 84, l’Histoire du club est une chose importante que tout supporter se doit de connaitre. Une Histoire qui se transmet de générations en générations, l’amertume des désormais pères parfaitement conjuguée avec la fougue de leurs fils, et c’est ce qu’ont prouvé les jeunes ultras du Celtic, mais aussi tout le public ce soir-là. Ironie du sort, c’est Jelavic, qui signera par la suite aux Rangers, qui marqua le but viennois permettant aux autrichiens, de ramener le nul, récompensant ainsi l’indéfectible soutien des fans autrichiens qui fût de haut niveau, orchestré par les Ultras Rapid ainsi que les Tornados Rapid, et ce de l’aveu-même de pas mal de supporters du Celtic présents. Les rivalités font partie intégrante du foot, et rendent les matchs bien plus intenses au stade, avec tous les excès qui peuvent en découler, mais n’est-ce justement pas ce qui rend ce sport si riche et unique ?
R.I.P. Phil O’Donnell
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